la cellule Demeter, nouvelle pomme de discorde


"Rien ne doit justifier des actions contre nos paysans et contre les exploitations, et nous serons intraitables sur le sujet." À son arrivée au salon international de l'agriculture, le président de la République a affiché son soutien au monde agricole, appelant par ailleurs à l'apaisement et à la réconciliation. Une concorde à laquelle plusieurs associations de défense de l'environnement (Fondation Nicolas Hulot, LPO, WWF, SFDE…), conduites par France Nature Environnement, viennent, dans une lettre ouverte au Premier ministre du 27 février, de poser une condition : la dissolution immédiate de la cellule Demeter, jugée "indispensable pour apaiser les relations avec le monde paysans".

Deux faits délictueux chaque heure contre les agriculteurs

Baptisée en référence à la déesse grecque des saisons et des moissons (Cérès en latin, qui donna céréales), cette cellule "nationale de suivi des atteintes au monde agricole" a été mise en place le 3 octobre dernier par la direction générale de la gendarmerie nationale pour faire face à la multiplication des actes de délinquance dont sont victimes les agriculteurs (vols de matériels, de carburant, de récolte et cheptel… et désormais actes d' "agribashing", i. e. d'intimidation ou de violence, comme la destruction d'un abattoir dans l'Ain ou l'intrusion dans les élevages, dont l'une a entraîné la mort de 1.500 dindes selon GendInfo). "En 2019, ce sont 7.500 faits de vols et plus de 1.600 cambriolages qui ont touché spécifiquement le monde agricole, quelques fois à travers des filières organisées", a détaillé le ministre de l'Intérieur, le 25 février, lors des questions au gouvernement à l'Assemblée, précisant qu'un réseau lituanien ayant dérobé quelque 700 GPS pour un coût de 5 millions d'euros avait été démantelé. Christophe Castaner a aussi dénoncé les "intrusions" sur les exploitations agricoles, avec  "près d’un millier d’actions liées à la cause environnementale" recensées. Un constat que les associations signataires déclarent d'ailleurs ne pouvoir "que déplorer", rappelant que "leurs démarches s’inscrivent toujours dans un cadre légal et non violent".

Lutte contre la délinquance de proximité, la criminalité organisée et les "actions idéologiques"...

Le champ d'action de cette cellule vise large, cherchant à la fois :
- à conduire des actions de prévention (notamment via le dispositif d'alerte par SMS "Vigi-Agri") et d'accompagnement des agriculteurs, auxquels il est notamment proposé d'établir un "diagnostic de sécurité de leur ferme, avec la visite de l'un des 214 gendarmes référent sûreté, spécialement formés en matière de prévention technique de la malveillance" ;
- à mener des actions de renseignements et d'analyse afin d'établir une "cartographie évolutive" de la menace et de détecter l’émergence de nouveaux phénomènes et/ou groupuscules extrémistes ;
- et à faciliter l'identification et la poursuite des auteurs de ces actions.
Et ce tant pour les "actes crapuleux" – qu'il s'agisse d'une délinquance de proximité et d'opportunité ou de criminalité organisée – que des "des actions de nature idéologique, qu’il s’agisse de simples actions symboliques de dénigrement ou d’actions dures ayant des répercussions matérielles ou physiques", précise le ministère dans son dossier de presse.

...ou atteintes à la liberté d'opinion et au principe d'égalité ?

Un périmètre que "ne peuvent admettre" les signataires de la lettre ouverte, pour lesquels cette dernière "assertion", dont "le caractère général peut générer un usage extensif", "vise à criminaliser l'expression d'une opinion, en contradiction avec le principe fondamental de liberté d'opinion".
Dans leur courrier à Matignon, les associations signataires déclarent également ne pouvoir "admettre qu'une profession, quelle qu'elle soit, puisse bénéficier de dispositions spécifiques", dénonçant "vivement que des moyens publics soient mis à la disposition préférentielle d'une branche professionnelle". À l'appui de ce traitement "discriminatoire", elles arguent que le ministère de la Transition écologique les a, elles, renvoyées "au cadre légal commun" pour traiter des agressions qui selon elles "se multiplient contre les défenseurs de la nature".
 

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